Tunisie, petit jardinage entre amis


Préambule,
De retour de la mer noire, je discute avec de bons potes et leur fais part de mon projet futur. La destination les fait rêver et quelques semaines plus tard ils me demandent de m’accompagner. Pourquoi pas ? J’accepte avec conditions : ce sera à ma méthode et à mon rythme. J’ajoute une virée en Tunisie pour un essai sur le terrain car hors de question de programmer un voyage de deux mois sans se tester mutuellement.
Mi novembre, Pierre Jean, mon ainé de 10 ans est prêt à partir. Il a déjà bien roulé sa bosse en moto mais jamais en version bivouac et n’a aucune expérience du off road. Il a troqué sa 1200 pour un 800 gs adventure qu’il juge plus adaptée à notre programme. La moto n’a que quelques mois et j’espère que ce ne sera pas un frein pour la vautrer dans la boue !
Gwen, le deuxième larron de dix ans mon cadet, ne peut pas se joindre à nous. Il traverse une mauvaise passe mais revient du moto tour ou il a décroché une belle 11ème place. J’ai moins de doutes sur ses capacités.

Mercredi,
Les motos sont chargées en configuration « into de wild » tel que nous les aurons dans plusieurs mois. Départ en matinée par 3 degrés, et route en douceur pour les 300 kilomètres qui nous séparent de Gènes. C’est glissant et ces foutus karro 3 ne sont pas là pour nous mettre en confiance. Je n’aime pas cette monte mais ayant un train de pneus à finir, je n’ai pas tellement le choix.
Je pars aussi avec des amortos rincés, je n’ai eu ni le temps et encore moins le budget pour les changer.
Début d’après midi, nous voilà rendus devant le ferry. Autoroute Italienne sans surprise sous une pluie fine, rien de bien passionnant.
Nous sommes les seuls motards. Deux 4×4 de touristes nous accompagnent, et des Tunisiens qui rentrent « au bled » pour quelques temps.

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Jeudi,

Arrivés au bout de 24 heures de navigation à la Goulette, un port à quelques kilomètres de Tunis.

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Nous passons la douane en un temps record, aucune fouille, aucune question. Juste la collecte des tampons et nous voilà dans la rue vers 19h. Il fait nuit, j’ai repéré un spot sur Google Map pour dormir. Nous faisons le plein d’essence et de bouffe et après avoir ingurgité une soupe à base de pain et de pois chiches du genre étouffe musulman, nous roulons de nuit vers mon spot de rêve. Une heure de bouchons plus tard, nous voilà au bord de ma « plage » qui n’est autre qu’un vaste marécage dû aux dernières pluies !

Pierre Jean commence à avoir des doutes sur ma capacité à dénicher un bon spot tellement celui ci est bidon…
J’applique le plan B et nous filons vers Bizerte pour rejoindre le Cap Blanc, j’ai repéré d’autres coins par là bas. Il pluviote un peu, il faut sans cesse faire attention aux piétons, ânes et mobylettes sans feux sur les bords tout en maitrisant les départs en glissade sur cette route surement recouverte de savon noir.
Nous arrivons au bout d’une route vers 22h00, un rapide coup d’œil sur le smartphone doté de l’excellentissime application Map.me me laisse à penser que la petite piste sur la droite nous conduira sur une plage déserte. Bingo, un kilomètre plus loin un champ d’herbes rases nous permet de monter les tentes entre deux averses et de s’y glisser avec empressement. Rouler de nuit dans ce pays est une épreuve exténuante.

Vendredi,
Il est 6h30, le jour commence à se lever. Un vent fort a soufflé toute la nuit, chassant les nuages menaçants. Nous en profitons pour plier le matos et décoller au plus vite sous l’oeil inquiet du voisin qui se demande surement ce que nous faisons là. Le spot est sympa et la nuit tranquille et réparatrice.

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On décide de rouler un peu et de déjeuner plus tard quand la température sera plus clémente. Il fait 10 degrés.. J’ai choisi de longer la cote nord. Pas beaucoup de pistes sur ma carte mais j’ai repéré quelques passages sur l’image satellite, ça devrait le faire. On traverse quelques villages et c’est toujours un salut sincère qui nous accompagne de la part des enfants et des habitants. La piste est roulante, on devrait abattre un bon bout de chemin aujourd’hui. Le site et la lumière matinale sont magnifiques.

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Je déchante au bout de quelques minutes, le sable recouvre la piste et je passe de justesse ce premier piège. Pierre-Jean n’a pas fait dix mètres qu’il s’est déjà rétamé. La journée promet d’être riche en rebondissements. Je l’aide à se relever et lui donne quelques conseils. Il redémarre et se vautre quelques mètres plus loin… courage, on n’a que 135 bornes à abattre ce matin.

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21122014-sans_t13En tout cas, je suis rassuré il prend cela plutôt du bon coté et se marre à chaque chute. Je repars sur ma moto en lui demandant de bien observer ma technique sans faille… pour me rétamer quelques mètres plus loin comme un gros sac !
Une heure est passée, nous avons fait 100m et on est en nage.
Les cailloux reviennent et nous reprenons un rythme correct. Le site est superbe et la lumière matinale magnifique. Nous nous accordons une pause près du ras El Kroun. Il abrite quelques cahutes de pêcheur. Ils sont sur la plage avec leur butin du matin, les quelques mulets sont conservés dans le sable humide.

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Nous reprenons le chemin et changeons de stratégie pour la suite. D’immenses bancs de sable recouvrent la piste et nous sommes déjà épuisés. Une trace part vers les hauteurs, rien sur ma carte mais on va voir ou elle mène. On réduit la pression des pneus pour gagner en confort et stabilité, une très bonne idée car les motos deviennent nettement plus faciles.
La trace est raide sur la colline et il faut choisir entre un parterre de cailloux très pointu qui tape sans cesse ou le sable de part et d’autre de cet ancien empierrement. Le choix est vite fait, car chaque tentative sableuse se solde par une chute ou un ensablement.
La trace débouche sur le plateau et c’est une belle piste qui continue.
On commence à avoir sacrément faim et au croisement d’une ferme, j’essaie d’acheter des œufs en vain. Ici, c’est des cultures à perte de vue et quelques bicoques ça et là.

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Nous croisons un peu de goudron et un type avec du pain frais. Je m’empresse de lui demander l’adresse de la boulangerie, elle est juste cent mètres derrière nous. Nous pouvons faire quelques courses et je profite de l’occasion pour offrir un ballon au gamin qui est là. Et hop, un petit chien fabriqué devant ses yeux : succès assuré !

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Nous reprenons le goudron mais je suis vert d’avoir abandonné la piste. En trifouillant la carte du Gps, je trouve une piste sur la crête et c’est reparti !
Je laisse Pierre-Jean filer devant pour faire un peu d’images. Il y a des traces de passage, tout va bien. Il s’arrête devant un croisement, les traces filent à gauche et devant nous une piste bien ravinée continue. Je reste sur mon élan et file sur la rampe. On roule bon train, excités par les images que nous tournons. La piste se complique et visiblement, plus personne ne passe par ici. C’est pas grave, on verra plus loin. Nous approchons d’un barrage, une route goudronnée se devine sur l’autre rive. J’ai laissé un peu de distance avec Pierre-Jean car le terrain devient carrément craignos. Je le vois stopper net, et me retrouve juste derrière. Il y a plusieurs marches à franchir au milieu de gros blocs. Pas le temps de m’arrêter, je le déborde par la gauche et me rétablis miraculeusement sur le plat en bas.

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Je m’arrête pour l’aider, trop tard il a tenté de repartir seul et je vois sa moto couchée dans les rochers. Apparemment, le pilote se frotte le bras mais se relève.
Pt’ain quelle boite ! Il a eu beaucoup de chance sur ce coup là.

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On remet difficilement le 800 sur ses roues et il rejoint le replat. Pas trop de bobos pour la moto, juste les valises rayées. Pierre-Jean le prend super bien « c’est pas grave, on les a achetées pour ça »
Je décide de continuer à pied jusqu’au barrage pour juger de la suite. Un berger vient à notre rencontre et m’explique que la route du barrage est close par une barrière et que nous devons suivre la piste jusqu’au village en contrebas.
Nous repartons pas trop rassurés ..et bien entendu, 200 m plus loin, la piste a disparu: emportée par les crues.
Je suis vert ! je ne me vois pas refaire les marches à la montée et je file explorer un sentier qui part vers les maisons. Pendant ce temps, Pierre-Jean tente en vain de faire demi tour, résigné à repartir sur nos pas…
Je reviens victorieux : c’est un bon chemin à VTT mais assez court et je pense que ça passe.
Je tente en premier, Pierre-Jean en parade. Ça racle, ça patine, ça butte sur les blocs mais je finis par forcer le passage et rejoins la maison. Le goudron est juste en face, c’est gagné !
Pierre-Jean passe à son tour et s’en sort magistralement, j’ai tendance à croire que le 800 est bien plus à l’aise dans ce terrain. On repart tranquille… pour buter à 50 mètres du goudron ! Un oued profond se trouve devant nous. Deux énormes buses ont été posées dedans mais l’ouvrage n’a jamais été terminé et c’est un mur de béton d’un mètre cinquante qui se dresse devant nous !

Pierre-Jean est campé dans la descente sur ses freins. La 800 est haute pour lui et il maintient un équilibre précaire du bout des pieds. Je descends rapidement de ma moto pour reculer la sienne sur le plat. On est déconfits. Je demande au jeune berger qui vient de nous rejoindre si il y a un autre passage. Il me montre celui où ses chèvres se faufilent…
Il va falloir réfléchir calmement et se mettre à l’aise dans un premier temps. Je vais voir la sente qui contourne l’ouvrage par le fond. C’est étroit, il faut passer dans l’eau sur un sol assez meuble et la rampe de sortie est à peine plus large que mon flat. Je pense que l’on peut tenter le coup, mon coéquipier reste plutôt perplexe.
Je lui propose d’essayer en premier, si le 1200 passe c’est gagné. On démonte valise et gros sacs. Au ralenti, aidé de Pierre-Jean qui enlève les plus grosses pierres je me laisse aller dans le fond. Première étape gagnée, il faut remonter avec un coup de cul et virage à angle droit. J’opte pour la version bourrin et le flat se retrouve de l’autre coté avec une forte odeur d’embrayage en prime… m’en fout, je suis passé.

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Je passe le 800 car mon partenaire ne le sent pas du tout et mes grandes jambes facilitent l’opération. Ce 800 est une vrai merveille : léger, souple, un vrai vélo. Ça change la donne par rapport à mon panzer !

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Nous voilà soulagés et enfin sur le goudron. Fini les conneries pour aujourd’hui, nous partons à la recherche d’un repas. On est mort de faim. Un petit port quelques kilomètres plus loin abrite un resto. Le jeune boss me propose un menu avec poisson grillé pour 5 € chacun. Vendu ! On se fait exploser le bide.

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Discussion sur cette première matinée (et première expérience de off road pour Pierre-Jean) il aime bien mais trouve cela plutôt dur. Il finit par me demander s’il a décroché mon accord pour Vladivostok. J’éclate de rire, et lui fait remarquer que je n’étais guère plus brillant. Peu de chances de se retrouver dans de telles situations là bas. La barre était très haute et il va falloir se calmer si on veut finir la semaine…
On flâne un peu sur le port. Ici, les dorades sont pêchées en apnée au fusil, respect.

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Nous reprenons la piste direction cap Ferrat. Puis direction Tabarka en longeant la côte, la piste est plus facile malgré quelques beaux passages de sable mou où nous resterons tankés.

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On arrive en fin d’après midi, plein des motos et pause thé. Ce soir la Tunisie joue au foot contre je ne sais plus quel pays d’Afrique, l’ambiance du bar est survolté. Nous mettons cap au sud dans la montagne et roulons encore jusqu’à la nuit. On trouve une fontaine pour les pleins d’eau. Trente minutes plus tard, nous voilà dans une forêt de chênes loin de la route. Douche chaude et lessive au programme. Après cette première journée, c’est un vrai bonheur…

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Samedi,
Quelle belle nuit passée. Le site est vraiment calme et agréable.

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Petit dèj rapide (café, pain sec) et nous voilà repartis vers le sud. Un peu de route pour commencer et chauffer les moteurs en douceur. Puis arsouille en règle dans un col (c’est con mais p’tain qu’c’est bon).

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Nous passons près du site archéologique de Bullaregia et profitons de cette belle matinée pour visiter d’anciennes carrières de marbre. C’est super beau et on mitraille à tout va.

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L’endroit où étaient stockés les esclaves (sic)

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Plus loin nous profitons d’un souk pour faire le plein de bouffe et repartons en direction d’El Kef.

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En ville, chaque arrêt est l’occasion de rencontrer du monde qui veut voir les motos.

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Je m’efforce de choisir que des petites routes. La circulation y est quasi inexistante et le paysage vraiment beau.

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J’ai repéré une piste qui longe la frontière à travers un plateau. A la sortie d’el Kef, on stoppe à un contrôle plus renforcé. Je dis au militaire que je connais la route et que nous nous rendons à la table de Jugurtha. Il acquiesce et nous laisse partir rapidement 100 m plus loin je bifurque plein gaz vers l’Algérie, il doit être vert !
Nous traversons une belle forêt et je trouve enfin l’entrée de la piste. Le cap est bon et nous roulons bon train. Mais cette foutue piste change rapidement de direction pour partir plein ouest, je n’aime pas ça. Nous ne sommes plus qu’à quelques kilomètres de la frontière. Je commence à avoir de sérieux doutes sur la piste que nous suivons. Je décide de partir à l’opposé en suivant de vagues traces et nous voilà en train de jardiner sur le plateau. Au loin la table se dessine nous indiquant le cap à suivre.

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Je tente une sortie vers la plaine et nous nous retrouvons devant des tentes de bédouins. Un ado vient à notre rencontre. J’essaie de lui expliquer où nous voulons aller. Il semble qu’il n’y a pas d’issue.
Nous remontons sur le plateau, suivons une trace de tracteur. Elle s’arrête au milieu de nul part.
Que faire ? Demi-tour ? Je le sens moyen, repasser le check point risque de mal finir…
Descendre le plateau et rejoindre les champs labourés en face ? C’est jouable mais on ne voit pas la fin de la pente et je suppute une petite barre rocheuse. Géologiquement, ça se tient et si on est bloqués, ce ne sera pas possible de remonter dans ce terrain.
Non, la solution est ailleurs. Je sors mon joker : une tablette étanche qui contient des cartes précises et je devine une issue au sud. Pierre-Jean s’en fout, tant qu’on dégage de là vite fait. Il n’est pas très rassuré et ressent surement la tension qui m’habite. Je sais que la région n’est pas très sûre et qu’il vaut mieux ne pas s’attarder et choisir la bonne option.
On repart à travers le plateau. Nous suivons des sentiers entrecoupés de talus d’irrigation. Un coup de gaz à chaque bosse pour lever l’avant et retomber à plat. Avec mes amortos en guimauve je talonne à chaque atterrissage, j’ ai mal pour ma Rallye. On navigue au cap en essayant de trouver une piste, c’est impossible qu’il n’y en ait pas.
Vingt minutes plus tard j’aperçois une maison, bingo ! On rejoint la baraque et la piste qui y arrive. Elle part plein sud, c’est gagné.
Nous rattrapons le goudron juste avant un nouveau Check Point. Là ça ne rigole pas !
On nous fait descendre des motos et contrôle des papiers. J’essaye de détendre l’atmosphère en plaisantant sur les menottes qui trônent sur la tenue d’un garde. ça marche, ils deviennent plus cool et on délire avec eux. Je souhaite les prendre en photo : aussitôt refusé. J’insiste en prétextant que c’est cool et que le chef devrait être moins sérieux et nous voilà partis pour une photo de famille.

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On détaille l’itinéraire que nous allons emprunter et ils appellent leur collègues qui nous attendent de l’autre coté… s’ils savaient d’où l’on sort !
Direction Qalat-as-sanan où nous ingurgitons un solide casse croute. Nous nous amusons à regarder le ballet des pick up transportant le carburant de contrebande.

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Des gamins tournent autour des motos garées devant le bouiboui. J’y laisserais un gant…
D’ordinaire, je pète un scandale dans ce cas là et tous se mettent à la recherche de l’objet disparu. C’est une question d’honneur dans un pays comme celui là. Là, on sent que nous ne sommes pas les bienvenus, on s’arrache sans piper mot.
Nous montons vers la table, un flic nous attend sur le parking au pied des rochers.
Il nous explique que la région abriterait des terroristes et qu’à une semaine des élections présidentielles ils craignent un attentat. Il nous accompagne pour la visite et nous décrit l’historique des lieux. Puis retourne surveiller les motos pendant qu’on finit la visite du site.

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Ce coin est toujours aussi magique, quelques chèvres et un berger traînent par là. On profite pleinement de l’ambiance qui règne ici
Nous repartons en faisant le tour de cette montagne par une mauvaise piste. Notre « gardien » a téléphoné à ses collègues pour préciser notre itinéraire.
Nous continuons par une petite route très sympa pour passer Kasserine. Il est temps de trouver de l’eau et un spot, le soleil commence à disparaître.

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Les fontaines qui bordent la route sont fermées à clef. Un jeune me propose de remplir une bouteille chez lui, c’est super sympa mais c’est plus de vingt litres entre la douche et les outres, je ne veux pas abuser.
Juste avant la nuit, je repère un squat au fond d’un oued. C’est ce qui sera le plus discret pour nous. Ici c’est la plaine, dans les champs nous serions visibles à des kilomètres. Coup de bol, il y a une mare juste à coté. Nous faisons le plein d’eau potable grâce à une pompe filtrante.

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Ce soir, il y a trop de vent pour une douche, on se contentera de la lessive quotidienne. Au menu : belle salade de tomates au thon. Pierre-Jean mange que dalle, il est encore brassé par toute cette tension de la journée. J’en profite lâchement pour bâfrer le reste de la casserole avant de sombrer dans mon lit.

Dimanche,
6h00, La nuit a été très froide et l’humidité est remontée du sol, notre équipement est trempé.
Nous plions rapidement les tentes pendant que le café chauffe et décollons habillés de nos doudounes, ça pèle un max ! Le programme du jour est ambitieux : traverser le massif montagneux qui nous sépare du grand sud (je m’y étais cassé les dents deux ans auparavant, on est moins téméraire en solo) Puis suivre l’autre chaine de montagne qui court de Matmata à Tataouine. Pas loin de 500 bornes avec très peu de goudron. Il ne va pas falloir s’endormir ce matin.

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Nous sortons de l’Oued et chauffons les machines sur le goudron. 10 minutes plus tard, j’enquille la piste à travers champs. Il n’y a rien sur mon GPS et il manque un tronçon sur ma carte. Mais on devine une passe, logiquement il doit y avoir de quoi passer.

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On zigzage sur des bouts de piste qui conduisent à des cultures ou des maisons et nous nous rapprochons de cette faiblesse géologique. Le terrain est sec et sans piège, l’occasion d’essorer la poignée dans de grandes gerbes de terre. A l’entrée de la passe, une belle piste nous attend, c’est du tout cuit ! ça roule fort et j’essaye lâchement de distancer Pierre Jean pour lui montrer qui a la plus grosse… bécanes, vous m’aurez compris. Ce rascal s’accroche, le 800 est sur son terrain, j’suis vert. Alors que nous sommes en pleine bourre le long d’un affluent, j’aperçois la piste qui remonte en face. Elle est coupée par une vielle crue, un mur de terre nous barre le chemin. Une bonne trace continue devant nous, j’enquille sans relâcher la cadence.

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Gros coup de patin pour éviter un trou énorme. Fin de la récré, il va falloir être attentif. La trace rejoint le fond d’un oued, oups du sable ! On stoppe pour se déshabiller, la rigolade nous a mis en nage. La suite a l’air compliqué. La trace s’arrête net, on doit pouvoir continuer dans l’oued mais vu le dénivelé qui nous attend, je ne le sens pas trop. Il y a surement une autre issue et je propose de passer le talus pour rejoindre la piste que nous avons laissé en coupant par la montagne. Demi-tour, gamelle. Talus, gamelle. Je continue, gamelle. Oulàlà, ce n’est pas mon jour. Pierre jean me suit en ne tombant qu’une seule fois, je suis dégouté !

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Nous repartons entre pierres et mottes d’herbe dans un terrain vraiment merdique. J’ouvre la marche et chute à chaque obstacle, ça devient épuisant. Un moment, par manque de vitesse, je bute dans un trou et tombe sur la gauche. Nous relevons la moto et je remonte dessus illico pour tomber comme une merde sur la droite sans même avoir eût le temps de mettre le moteur en route ! Ouarf, y’a des jours…

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500m de fait et on rame comme des malades. Ça devient de plus en plus dur et j’ai du mal à croire que cela va s’améliorer.
Nous laissons les motos (de toutes façons la mienne est posé sur le sabot) et nous partons repérer la suite. Pierre-Jean part sur le talweg de droite pour envisager une sortie et je monte vers cette montagne où nous apercevons un cairn.

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Quinze minutes plus tard je suis au sommet et j’ai enfin une vue d’ensemble… sur la belle galère ou nous nous sommes fourrés.
Un affluent de l’Oued que nous suivons avec tant de peine est creusé par les orages et c’est un canyon de 5 mètres de profondeur que nous devons franchir. Faire glisser les motos au fond semble jouable (les berges sont sableuses) mais je ne vois aucune issue en face. Dommage car plus loin j’aperçois une carriole sur les hauteurs ce qui signifie que la suite existe.

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Je reviens vers les motos en même temps que Pierre-Jean. Il est aussi bredouille que moi : il a repéré un passage jouable pour le début mais a beaucoup de doutes sur les marches sommitales. Mon partenaire s’est drôlement aguerrit car j’ai vu son « passage » d’en haut. Ça ressemble plus à une zone de trial à Bercy quand à ses « marches », de loin je dirais 6a / 6a+ comme cotation… Même pas peur le Pierre-Jean !
Nous n’avons pas le choix, il faut rebrousser chemin. Ma fierté en prend un coup ainsi que notre timing. Nous repassons toutes les difficultés (avec plus de brio quand même) quelques chutes à la clef, normal quoi !
En croisant la vraie piste (ravinée, je vous le rappelle) je prends le temps d’observer et devine un vague passage en aval. Ça nous apprendra à passer comme des avions. Du sable, un talus et une rampe caillouteuse sont au programme et bien sûr il y a du monde qui cueille je ne sais quoi en gardant un troupeau.
Pas le temps de repérer à pied (ça fait mauviette !) et je m’engage sous l’œil dubitatif de mon coéquipier. Je passe le sable avec une classe inégalable (excepté mon langage plutôt composé de jurons, et pas des petits) bref, je passe limite à deux doigts de m’en mettre une pour me ramasser lamentablement à l’attaque du talus. La brêle (dans ces cas là, c’est toujours un brêlon) retombe au départ et comme par hasard le klaxon se bloque sur la sacoche de réservoir. P’tain de Meeeeeeeeerde !
Ameutés par tant de raffut, tout le monde a lâché son outil et cours vers moi. Enervé (honteux surtout) je la redresse dans un de ces efforts que mes lombaires apprécient (et fait la fortune de mon osteo au passage) je redresse cette brêle de m…. qui me fait ch…. Et repart dans un hurlement de moteur pour me hisser jusqu’en haut de la rampe. Tiens, c’est la première fois que j’entends le rupteur sur cette moto ! J’y suis peut-être allé un peu fort.
Les locaux qui ont stoppé net restent médusés devant la quantité de cailloux que peut envoyer en l’air un 1200 et son pilote un poil énervé…
Pierre-Jean qui n’en n’a pas loupé une miette, s’engage à son tour version pof pof. j’te l’fait au couple.
Mouais, la démo n’est pas plus brillante et il se tanque sur le talus. Il repart « à bloc » sur la rampe. Avec nos panzers qui tirent un poil long, on n’a pas encore trouvé d’autre méthode.
Nous continuons victorieux sur la piste qui devient carrément belle. Je laisse Pierre-Jean filer devant, à mon tour de bouffer de la poussière.
Quelques kilomètres plus loin, une fourche se présente. Pierre Jean ralentit en attendant que je lui indique la bonne direction, je reste derrière le nez dans la tablette pour interpréter la carte. Quand je relève la tête, je l’aperçois arrêté à un mètre devant. Arghh, je pile et m’encastre dans ses valises, couché sur le coté. Quel con ! Il n’y a un seul mec à des lieues à la ronde et je me l’emplâtre ! Il n’est pas tombé et me regarde en se marrant. Je n’ai rien, et le guidon de ma moto est légèrement tordu. Deux jeunes bergers qui ont vu la scène d’en face accourent vers nous pendant qu’on redresse ma moto et que je m’affaire à grand coups de latte pour remettre le guidon dans l’axe.
Il nous saluent et nous interrogent du regard. J’suis pas fier et on entame la discute. Bon, vu qu’ils parlent berbère et que nous pas trop.. ç’est vite limité. Mais ils nous font comprendre que la suite est à gauche jusqu’à la ville. Yes ! C’est gagné. On fait la photo de famille et j’en profite pour leur laisser un petit souvenir grâce à cette géniale trouvaille d’un collègue motard : une mini imprimante. Les garçons sont refait !

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On repart (en prenant nos distances cette fois) et sortons de la passe par un Oued magnifique. Je suis heureux, cette montagne qui m’avait interdit son passage la dernière fois est franchie !

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On déboule dans un petit bled ou nous faisons le plein des motos et avalons un excellent poulet frites pour 3€50 chacun, une ruine…
Alors, pour les 500 bornes aujourd’hui, c’est mort. Le mieux est d’enquiller plein sud et de dormir vers Bir Soltane, c’est un coin calme et il y a de l’eau. Nous repartons par la petite route de montagne du parc national de Bou-Hedma l’occasion de faire encore des heureux avec mes ballons.

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Petite pause café en descendant le temps de faire sécher les tentes et duvets. ce coté de la montagne devient vraiment aride.

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Puis direction Kibili par la route du chott. Une belle ligne droite de 30 bornes ou je plafonne à 180 chrono (ça tire les valises), Pierre Jean ne décolle pas du 160. Pffff, ça se traîne un 800 !

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Plein des motos à Kibili, les pompes vont commencer à devenir rares. Et six œufs pour le repas du soir. On repart pour Bir Soltane par l’ancienne piste, plus du tout parcourue depuis la folie goudronnière, qui sévit dans le grand sud.

gopr0017 gopr0018Un parcours de 70 km au milieu de dunettes, tout ce que j’aime. Nous avons énormément progressé depuis le début du voyage et on anticipe tous les pièges (enfin presque). Ça roule bon train, calé sur un 70-80 km/h. les passages sableux se passent à l’élan, mais ça tire dans les bras. Pas grave, depuis le temps qu’on fait de la muscu pour relever les bécanes, on a la forme.

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Nous arrivons à la nuit au puits, et pendant notre plein d’eau un gars à mobylette nous rejoint. Il tient le camp de Bir Soltane près des dunes et nous supplie de dormir chez lui. C’est vraiment la misère depuis le printemps arabe et il n’a pas vu un touriste depuis quinze jours. On accepte, et pour 12€50 on a droit à la douche (froide), un excellent couscous et de la bière !

dsc04512Nous dormons dans nos tentes, l’état de la literie ne donne pas super envie. Le ciel étoilé est magnifique mais on sombre rapidement, demain il est prévu de se vautrer faire les gorets dans les dunes…

Lundi,
Réveil toujours aussi matinal pour profiter du lever de soleil dans les dunes. Le camp est construit au pied de l’erg. Cette lumière matinale qui envahit le sable est un appel à la connerie…

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Après avoir bu un kawa, histoire de bien s’énerver, nous envisageons une bonne partie de sable.
C’est une première pour mon coéquipier et je préfère le ménager. Nous laissons toutes les affaires au camp, excepté une bouteille d’eau. Les motos deviennent largement plus joueuses dans cette configuration même si je trouve que le 1200 souffre encore trop de son embonpoint.
On m’avait chanté l’aspect « couteau suisse » de cette moto. J’aurai du interpréter cette comparaison avec prudence le jour ou j’ai essayé de couper un arbre avec mon Victorinox … bon à rien, moyen en tout !

Pendant la chauffe, j’explique vite fait à Pierre Jean la méthode : on part à fond et on accélère après ! En gros, tant que tu es debout tu mets les gaz et surtout pas d’hésitations car la sanction est immédiate. Je laisse tomber le coté lecture du sable : sens des dunes, couleur trahissant la portance, logique de disposition, etc… il apprendra tout seul sur le terrain. Nous sortons du camp et faisons un large tour avant de s’enfoncer au cœur de l’erg, histoire de prendre les dunes dans le sens le plus facile.

blogtun43 Pierre Jean me talonne afin de ramener de belles images. Le premières dunes sont franchies, le 1200 est terriblement pataud sur ce terrain mais compense par sa puissance. Au moindre coup de gaz il vous propulse au sommet de la dune dans un bruit rageur, éjectant plusieurs mètres de sable derrière, directement sur la tronche de votre poursuivant : C’est trop bon !

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Une dizaine de dunes passées, ça va très vite. Une seconde d’hésitation sur une descente et me voilà en sous vitesse en train de m’enliser lamentablement. Pierre-Jean me déborde et continue plein gaz, la leçon est assimilée. Heureusement, il se vautre un peu plus loin, il y a une justice sur ce bas monde.

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Je laisse mon douze pour l’aider. On redresse, je pousse, il retombe. On redresse, je pousse, il se replante… ça n’en finit pas. Il n’arrive pas à partir à bloc et cherche trop vite à tourner. Je lui explique qu’il vaut mieux commencer par prendre suffisamment de vitesse pour se retrouver en surface et virer après comme en ski dans la peuf. Entre moniteurs de ski, le message passe instantanément, et le voilà parti dans une grande gerbe de sable qui m’arrose copieusement, mon Sony en fera les frais…

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Au tour de la grosse maintenant. On la couche pour la faire pivoter. On la redresse dans un effort tel, que je me demande encore comment je faisais tout seul il y a deux ans. Puis, à grand coup de gaz je rejoins la 800 qui attend sur un sol ferme. Rouler dans ces dunes est un plaisir immense. Il faudra que je programme un jour la traversée Douz – ksar Khillian par l’erg : 100 bornes de dunes tout au cap, en 1200 ce serait un exploit !

dsc05824 blogtun31 Tout ça sous l’oie attentif d’un star chips tropperblogtun42 dsc05825
Nous repartons ensemble, ce qui me permet d’arroser Pierre-Jean à chaque passage de crête pour me venger, je l’entends pester derrière. La technique est acquise et nous retournons au camp sans problème.

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blogtun32Là, une furieuse envie d’essayer le 800 me prend et nous échangeons les motos pour un nouveau tour de dune. J’ai d’emblée.. une révélation ! Cette moto est un véritable jouet. La grande roue de 21“ est d’une précision diabolique. Le 800 est joueur à souhait et se révèle être l’outil idéal pour ce genre de raid. Je me surprends à tourner dans un long drift, là où le 1200 m’aurait déjà envoyé au tapis. Certes, le manque de puissance se fait sentir et il faut constamment jouer de la boite de vitesse alors qu’en douze, t’accélère et pis.. c’est tout !

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Si la 1200 est un couteau suisse dans un bois, ce 800 est une véritable tronçonneuse.
Pierre-Jean se ramasse à la première courbe serrée et se relève en gueulant
« T’en es content de ton char d’assaut ? »
J’m’arrache fissa fissa ouais, pour continuer de profiter de cette meule qui m’a conquise. Retour au camp, Pierre Jean est convaincu d’avoir fait le bon choix en changeant sa 1200 pour un 800. Je commence à me poser la question s’il ne serait pas raisonnable d’en faire autant pour Vlad?
Nous reprenons les affaires et rejoignons le bar du frangin de Moktar (notre logeur) ou il nous attend pour le petit dèj. Chargées, les motos ne sont plus du tout les mêmes et c’est avec peine que nous franchissons les dunes à l’entrée du camp. Le bar de Bir Soltane est le lieu de passage de tous les voyageurs du désert comme en témoigne la multitude d’autocollants qui s’affichent. Le boss en tee-shirt KTM de cross nous sert un vrai petit déjeuner.

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80 bornes nous séparent de ksar Khilian, nous les faisons par le goudron: histoire d’avancer un peu.

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Cet oasis du désert a bien changé. Je l’avais découvert avec ma femme en compagnie de heidi, un Tunisien de Douz en 1991. A l’époque, nous revenions d’un séjour d’un mois à travers le grand sud Algérien. C’était en pleine guerre du golf, nous étions quasiment les seuls touristes…
L’oasis comprenait quelques cahutes en palme autour d’une belle mare d’eau thermale issue d’un forage pétrolier foiré.
Désormais, c’est Le camp du désert que tout touriste rougi par le soleil de Djerba, se doit de visiter.. aventure suprême: y passer la nuit dans de fausses tentes de bédouins, bercés par le ronron des groupes électrogènes…
Nous nous y arrêtons le temps de se tremper le cul dans ce qu’il reste de la mare et de boire un thé. Le ballet des quads de location est en train de se mettre en route. Les premiers Toy d’agence chargés à bloc ne vont pas tarder à arriver. Nous, pov’ voyageurs poussiéreux sur nos motos chargées, ne les intéressons même pas. Nos poches ne débordent pas assez de dollars. Il y a quand même un gus qui essaie de nous refourguer un tour en quad pour visiter l’ancien fort dans les dunes, sous prétexte que nos motos ne fonctionnent que sur le goudron. J’ai presque envie d’y aller pour lui prouver le contraire, mais plus de courage aujourd’hui.

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Nous repartons vers le sud par une piste que je ne connais pas. L’objectif est de rejoindre Remada pour visiter ce petit erg le long de la frontière Libyenne. On se paume un peu, la piste longe l’erg plein sud et il faudrait revenir vers l’est pour attraper la piste du pipe line. Rien à faire, j’ai beau essayer les traces qui partent sur la gauche, elles ramènent systématiquement vers le sud. Je tente une sortie de piste, Pierre-Jean se met une boite en ronchonnant car il estime n’avoir commis aucune faute pour la mériter. J’en profite lâchement pour le traiter de boulet, c’est purement gratuit mais ça me procure une immence satisfaction !
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Nous partons au cap plein est. En dix minutes nous croisons une vielle piste qui est sur mes cartes. C’est tout bon. On roule très près l’un de l’autre pour capturer de belles images. A la sortie d’un passage de dunettes, je mets un grand coup de gaz pour partir en drift et me couche comme une merde sur le coté et me fais éjecter de la moto. Pierre-Jean m’évite de justesse, je vois sa valise passer à quelques centimètres de mon casque. Oulàlà, ce coup-ci je l’ai échappé belle. Je n’ose pas imaginer les conséquences en cas de choc.
C’est bon, la leçon est comprise. Au diable les vidéos, nous prenons nos distances.

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La piste du pipe line se dessine devant nous, elle longe l’ouvrage jusqu’à El Borma, à l’extrême sud du désert Tunisien. C’est une large piste sans surprise et entretenue régulièrement. Dessus, c’est le royaume de la tôle ondulée. Elle n’est pas trop sévère, l’onde est courte et peu profonde, mais il faut tenir un bon 90 pour passer. A cette vitesse, on ne touche que les crêtes, et les vibrations sont acceptables; à 120 tout est effacé, plus vite on se chie dessus. Je nous vois difficilement faire un arrêt d’urgence avec nos mastodontes à ces cadences déraisonnables: on reste sur le minimum. Pour Pierre Jean, c’est une première de rouler là dessus. Il maitrise à merveille, malgré la sensation de glisse perpétuelle, mais émet des doutes sur la résistance de nos machines. Le bruit est édifiant et on à l’impression que tout se démonte. Le 1200 se trouve avantagé par son embonpoint, et mes amortisseurs en latex fonctionnent à la perfection. Je suis là pour les finir, vu le traitement infligé, je n’ai plus aucun doute sur leur fin de vie proche.

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Déjà 100 bornes que nous roulons sur cette piste, j’ai dû louper une bifurcation. Il faut dire que j’ai rangé la tablette qui se faisait la malle, et seul, mon gps fonctionne mais sans aucune autre indication qu’une flèche dans le néant…

Nous arrivons devant l’usine de compression de gaz d’El Kamour et stoppons devant la barrière du poste militaire. On est carrément trop loin, c’est le début de la zone interdite.

dsc04516Un militaire accourt, étonné de nous voir ici, et nous demande si le guide de l’agence arrive bientôt. Il veut voir nos permis de passage. D’ici, seul une agence peut vous accompagner pour la suite de la piste avec autorisations et tout le tintouin..

-heuuuuu non, non, on s’est juste trompé !
-j’appelle le chef
-pas la peine, on fait demi tour
-non, c’est le chef qui décide

Bon, on est là comme des cons à attendre le chef pendant que j’essaie de trouver une solution sur mes cartes. Il arrive avec un gros 4X4 (30m à faire) et n’a pas l’air commode. Je le prends à la cool et le courant passe. Il me propose de suivre une piste 5 km en amont, pas question d’aller à Remada, on doit se rendre à Tataouine. Je lui montre un raccourci pour Remada juste derrière sa barrière : c’est NON.
OK, on ne discute pas. Il relève tous nos papiers et nous repartons sur nos pas. Je commence à être short en essence, faudrait pas commencer à jardiner. Nous trouvons la piste et roulons vers Tataouine. On s’arrête en chemin pour manger, il est déjà 14h et on est loin de tout. Je me rappelle que nous avons des œufs et une omelette sera la bienvenue si elle ne s’est pas faite toute seule dans ma valise. On trouve un coin d’ombre et je prépare le repas.
5 œufs sur 6 sont entiers ! Finalement, je peux remercier mes amortisseurs en Nutella.

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Le range à zéro (la jauge electronique) depuis longtemps, je décide de mettre un peu d’essence du bidon, il est là pour ça.

blogtun51 dsc04519Puis on rejoint un bled. J’essaye de changer des thunes à la poste, nous n’avons plus de dinars. Pas d’informatique, il me renvoie au bled suivant qui n’a pas le taux du change. La poste suivante ne peut pas nous changer pour des raisons plus qu’obscures et nous renvoie sur Tataouine, mais en précisant que ca va bientôt fermer ! Poignée dans le coin, nous abattons les 30 kms qui nous séparent de la ville avec la surprise de se faire doubler par des voitures alors qu’on est à 150! ils respectent rien ses libyens.
On arrive in extremis avant la fermeture d’une banque puis on part faire les pleins : plus d’essence et plusieurs pompes de la ville dans le même cas. On nous dit que c’est à cause de la guerre en Syrie, je ne vois pas bien le rapport !
Je suis prêt à mettre du rouge de contrebande mais Pierre-Jean à toujours sont catalyseur, ce serai le mettre à mort. Coup de bol, la dernière pompe est la bonne.
Je propose une piaule à mon pote pour la nuit, histoire de le ménager un peu. Il accepte avec joie et nous partons vers Douiret pour dormir chez Raouf dans une vielle cité troglodyte. Dépaysement assuré.

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Nous arrivons au coucher du soleil, les montagnes alentours sont magnifiques. L’endroit que j’avais trouvé deux ans auparavant est parfait et une bonne nuit méritée nous attend !

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Mardi,

La nuit était fraiche et réparatrice mais je préfère largement la literie de ma tente, je m’y sens mieux.
Il faut choisir notre destination du jour, il nous reste deux jours et demi en Tunisie et il y a encore tant de choses à voir !
Je propose à mon coéquipier un programme modeste pour la journée : Matamata par une petite piste de montagne super roulante, puis goudron jusqu’à Douz. Enfin, si on a le temps, nous contournerons le chott el Djérid par le sud pour conjurer le mauvais sort : je m’y étais perdu il y a deux ans et j’avais failli y laisser la moto et une partie du bonhomme dans un envol spectaculaire sur plusieurs mètres avec réception sur la roue avant… c’est costaud une GS (et son pilote très chanceux).
Pour finir, bivouac dans l’erg au nord de Nefta juste a coté des décors de Star Wars.
En gros, une journée de repos !
7h00, Raouf nous sert le petit déjeuner en terrasse, juste à côté des motos. cela semble un peu matinal pour lui, il n’a pas les yeux en face des trous.
On en profite pour faire un petit contrôle mécanique. Pierre-Jean vérifie son garde-boue avant fait du bruit : il a perdu 3 vis et les trois restantes sont complètement dévissées. Je me fous de la gueule de son tromblon certainement assemblé en chine avant de me rendre compte que je suis en train de perdre mes clignotants… Deutsche qualität !
L’épisode de tôle ondulée a eu raison de notre visserie, au retour je lui prévois un bain de frein filet (si quelqu’un travaille chez loclite ?) . Nous chargeons nos montures et en enlevant la centrale, Pierre Jean fait tomber son 800. Ouarf ! j’suis parti avec Gaston Lagaffe. Là, il place la barre très très haut, ça va être difficile de faire mieux…

dsc05810 dsc05811Raouf se pose un peu des questions et nous aide à redresser la bécane. Je lui demande si on peut couper par la montagne pour rejoindre Chenini. Il regarde Pierre-Jean et nous conseille de suivre le goudron !

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On roule vers Chenini, puis je devine un raccourci sur ma carte. Une piste de quelques kilomètres pour gagner 20 bornes de goudron, ça ne se refuse pas.
Ainsi commence l’enfer du voyage ! (Parce que jusqu’ici on se la coulait douce)
Cette piste existe. Enfin, on la devine. Elle ne sert apparemment plus, excepté pour quelques chèvres courageuses.

dsc04611 dsc05813-1 blogtun52 j’insiste et force les premiers passages. Le cheminement se fait au milieu de gros blocs et, se maintenir en équilibre est difficile à une vitesse lente; impossible de passer en mode bourrin, si on ne veut pas détruire définitivement nos montures en se cassant la moitié des os au passage.
Nous croisons plusieurs ravines et ça devient très compliqué. Un ouvrage en béton qui ressemble vaguement à un barrage nous interdit le passage. Je le contourne par l’amont en franchissant quelques marches. Je stoppe la moto pour faire la parade à Pierre Jean. Trop tard, il s’y est engagé et avec ses petites pattes, il n’a pas réussi à rester debout. Il vient de se vautrer dans les rochers. Bilan : une valise pliée à la base et le cadre légèrement enfoncé près du réservoir. Sa moto vient sérieusement de baisser sa cote argus !
Les protections Givi qu’il a installé avant de partir, ont rempli leur rôle en sauvant tout l’avant.

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Nous repartons un peut dépités, la suite à l’air encore plus dure. Demi-tour devant une plus grosse ravine. Si on s’y engage, la fin du voyage se fera à pied…
Je tire en aval à travers les champs et nous découvrons une vague piste avec des traces de mobylette. C’est reparti !
Les traces s’arrêtent à une maison, la mauvaise piste redevient la seule solution. Il nous faut une bonne heure pour rejoindre le goudron avec en prime, une pelle magistrale pour la douze dans un champ fraichement labouré. J’avait dit que ce serait une journée tranquiloue…

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Nous reprenons le goudron pour quelques belles courbes mais il se transforme rapidement en piste. Elle est super belle et nous voilà en train de se taper la bourre. Je m’arrête prendre des photos, Pierre-Jean continue. Il est loin devant et je ne distingue que le nuage de poussière qui se lève sur son passage.

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Merde ! La suite est par la petite piste à droite. Elle est à peine marquée, il ne l’a pas vu. Je m’attelle à le remonter, mais l’exercice est difficile. Il a acquis un sérieux niveau depuis le début du voyage et même en m’offrant des pointes à 120 je peine à le remonter. Il s’arrête enfin au croisement suivant. Cela fait 30 bornes que je lui cours après, il est super fier de n’avoir rien lâché !
Bon, aucune piste n’est sur ma carte. Pas mieux dans le GPS. Il y a un vague panneau plus loin, nous allons voir.
« Matmata 70 Kms.»
Nickel, on part par là.
Cette piste repart dans le désert et longe de loin la chaine de montagne. Ce n’est pas ce qui était prévu, mais vu qu’elle roule bien, ce n’est pas plus mal.
Nous croisons régulièrement des puits et des bassins, des troupeaux de chèvres traînent au loin. On en profite pour une pause café et se rincer abondamment la gueule. La piste de ce matin nous a mis en nage.

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Refait à neuf, nous quittons ce spot (qui serait parfait pour une nuit) et avançons bon train. Le paysage est sympa et je ne regrette pas cette erreur. La piste rejoint enfin la montagne, nous allons pouvoir finir mon itinéraire.

dsc04613C’est là ! Je pars à bloc, cette piste m’avait laissé un souvenir terrible lors de mon dernier voyage. J’avance bon train, Pierre-Jean a disparu de mes rétros et au détour d’un lacet je me retrouve dans un immonde champ de fesh fesh. Je franchi une centaine de mètres en exultant tous les jurons de mon vocabulaire avant de m’arrêter par miracle sans aucune chute. Qu’est-ce qui ce passe ?
Je pose la moto sur la béquille et attend sournoisement mon coéquipier avec l’appareil photo en mode camera pour immortaliser la boite qu’il va se mettre. Le voilà, il me voit en train de filmer et ouvre en grand pour le spectacle. Quand soudain, il rentre dans cette abomination, louvoie, pose un pied, dérape, se redresse, repart en travers (il a de l’équilibre ce con !) et s’arrête à mon niveau.
– C’est quoi c’te daube
– Fesh fesh, pffff c’est dans la tête, ça passe tout seul…
Je sais, je suis très faux cul dans ces cas là.

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On découvre qu’ils transforment la piste en route. Le terrain est composé d’argile très sec. Avec le va et vient des engins de chantier, toute la piste est recouverte de fesh fesh avec des ornières cachées dessous ! Pierre-Jean repart de plus belle pour ne pas se retrouver avec la poussière.

blogtun61 Je lui laisse une bonne marge et pars sur ses traces. C’est épuisant, la moto dérape dans tous les sens. Je suis cramponné au guidon pour tenter de maitriser les mises en travers qui arrivent sans prévenir. Pierre -Jean a disparu de mon horizon, je suis à la ramasse et j’ai les bras douloureux. Je me promets de revendre ma chiotte en rentrant pour passer sur un 800.
Il m’attend au bout d’un temps, qui m’a semblé sans fin, pour me féliciter et prendre des nouvelles de mon char d’assaut… je suis mort et dégouté !
Nous continuons sur cette ultime épreuve jusqu’au goudron salvateur. Il est temps de trouver à manger, je suis au bord de la syncope.
Nous visitons quelques maisons troglodytes en passant. Puis on finit dans un bouiboui pour avaler un méga sandwich à l’harissa avec sûrement autre chose dedans mais on ne sent plus rien !

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Ça va mieux, mais notre timing en a prit un sacré coup. Nous avons 100 bornes de goudron bien relou jusqu’à Douz. Je passe en mode « cruise ». Les écouteurs dans le casque, la zique du gps (il est bien ce zumo 590 !) Pierre-Jean est déjà parti, je bidouille une playlist et c’est parti ! Un peu de virages, un col, encore des virages et j’aperçois le premier bout de droit. Couché sur le réservoir et poignée dans le coin, je soude à 170 pour rattraper mon pote. Au bout du droit, je le croise (toujours à bloc). Il a fait demi tour, ne me voyant pas arriver ! Yes, j’ai pris de l’avance et ne relâche rien pour le déposer. Range à 70, pilepoil la distance jusqu’à Douz. Range à cinquante, bah ! J’ai fait que cinq bornes ? Range à trente, ok, ok j’me calme ! Me voilà à deux à l’heure pour calmer la soif de ma gloutonne. Elle marche super bien sur le bitume quand même. Dire qu’il y a à peine dix minutes, je rédigeais dans ma tête une annonce pour Le bon Coin « affaire en Or, état comme neuf, pilote soigneux, jamais tout terrain… » Là, je me dit que cette moto me procure un sacré plaisir. Je me suis réconcilié avec et m’excuse de toutes les méchancetés que j’ai pu lui dire…
Pierre Jean arrive enfin, il se porte à mon niveau tout en toquant son casque du doigt du genre “t’est vraiment barge“
Cool, il m’aime bien !
Nous arrivons à Douz une heure après notre départ de Matmata, une bonne moyenne. J’ai fini les cinquante derniers kilomètres avec le range à zéro, il n’a pas bien aimé ma conduite.
On se retape sur la place du village et nous flânons un peu dans les boutiques. Il est 15h00, nous sommes les seuls touristes. On décide de jouer la sagesse et nous abandonnons la version “tour du chott par le sud“. Nous remontons sur Kebilli pour traverser cette étonnante étendue de sel. Il reste deux heures de jour, juste assez pour rejoindre l’erg de Star Wars.
Un petit crochet sur le lac pour voir le bus perdu au milieu du sel. Je pilote d’une main, l’appareil photo et dans l’autre, pour filmer notre arrivée, quand d’un seul coup, je sens la roue arrière partir: je lâche illico le Sony qui se rétablit sur la sacoche de réservoir et reprend le contrôle. Le sel qui d’ordinaire est dur comme la pierre est détrempé par les dernières pluies et c’est dans 10 cm de boue et sel que nous progressons. Je rejoins Pierre-Jean au niveau du bus, me boite juste pour le fun (faut pas perdre la main) et contemple les dégâts. Nos engins sont couverts de sel collant, les bottes et le pantalon sont dans le même état. Pierre-Jean regarde sa chaine qui vient de changer de couleur
-Ben là, je crois qu’on a fini de les pourrir !
Bon, le mal est fait.. on profite du lieu pour délirer. Ma moto gît dans la mare de sel comme un vieux canasson au bout du rouleau, je n’ai même pas eu le courage de la relever…

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On reprend le chemin du bitume, ça glisse à souhait. J’en profite pour mettre des grands coups de gaz pour partir en glisse et accessoirement accumuler encore plus de sel dans le cadre. Sait-on jamais.. si on fait des pâtes ce soir, j’ai ce qu’il faut pour l’eau!

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Nous traversons Tozeur, arrêt pour faire quelques emplettes.
Le sel a séché et durci offrant une vision d’horreur : Voilà deux béhèmes en croûte de sel sur le chemin des dunes.
On arrive à Nefta à la tombée de la nuit, je tripote le Garmin pour rejoindre la bonne route. J’ai acquis une sacrée dextérité pour le programmer en roulant, plus de louvoiements, pas de perte de vitesse, son processeur ultra rapide fait des merveilles.
Nous enquillons par cette petite route goudronnée qui rejoint le site, je connais un puits pour les pleins d’eau mais on découvre l’eau à environ 15m de fond, avec mes dix mètres de cordelette, j’ai l’air d’un con !
Tant pis, on se lavera une autre fois.
Nous arrivons sur ce fameux décor de la ville de Tatouine issue de la célèbre saga de George Lucas, visite à la lueur des phares. Pierre-Jean est comme un dingue, je lui propose de revenir le lendemain à l’aurore. Nous franchissons quelques dunes pour se trouver un coin tranquille. Ce soir, je réserve une surprise à mon pote, au menu du jour : Taghella !
Cette fameuse galette de semoule cuit dans le sable. Je tiens la recette d’un Touareg du Hoggar. Pendant mes séjours dans cette région, c’était le rituel du soir pour le pain quotidien.
Dix ans après, la technique est toujours là et malgré un sable très salé et bien froid et du bois plus qu’humide, je sors une belle galette qu’on s’empiffre avec régal.

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Il est tard, la fatigue accumulée depuis le début du voyage se fait sentir. On s’écroule dans les duvets instantanément. Demain, j’ai prévu une bonne grosse journée de débile car aujourd’hui, on n’a pas fait grand chose…

Mercredi,

5h30, debout au point du jour. Nous voulons visiter le site de Star Wars au lever du soleil et en profiter pour une bonne partie de sable. C’est notre dernier jour de dunes.

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Le café chauffe en même temps que les moteurs, difficile de le faire en roulant sur ce genre de terrain (les moteurs, pas le café !).

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Nous laissons les tentes pour rejoindre les décors. A cette heure matinale, il sera entièrement pour nous. C’est sans compter le gardien qui se lève pour encaisser les 50 cents de la visite et retourne illico dans son pieu.

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Il y a 10 ans, seul la piste arrivait ici. Le site n’intéressait que les passionnés et se présentait tel qu’il avait été construit. Depuis, une route goudronnée rejoint le petit parking. Ils construisent de nouveaux décors bien loin du style que l’équipe déco avait inventé. Beaucoup de choses ont disparu, les graffitis sont omniprésents, et cerise sur le gâteau, des boutiques à souvenirs ont envahi le site. Bon, ça reste encore sympa mais j’ai comme l’impression qu’ils tuent cet endroit à petit feu…

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Après avoir gambadé dans les décors, nous attaquons les dunes juste derrière. Elles font une bonne trentaine de mètres de dénivelé et le sable est très froid: le top pour la portance.
Plus aucune appréhension, nous montons à bloc pour passer le sif et plonger dans le sable mou qui sévit sous le vent. Un vrai bonheur pour de vrais gamins: on s’enterre quelques fois (surtout le 800 qui manque de patate), et c’est reparti de plus belle.

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Nous avons vachement progressé et cherchons les parties les plus techniques et les plus raides. Pffffff, on pourrait y rester des heures ! c’est comme quand nous étions gosses, seul la taille du bac à sable a changé.

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Retour au camp par nos dernières dunes, l’occasion d’envoyer jusqu’au rupteur pour gravir les derniers centimètres.

blogtun80 blogtun77 blogtun78 dsc04710En descendant, j’enfourne en beauté. Planté par l’avant dans une pente qui avoisine les 40°, je ne croyais pas que c’était possible. On en apprend tous les jours !

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Nous prenons la direction de Tamerza par le Chott el Gharsa, histoire de remettre un peu de sel frais sur nos moteurs.

blogtun89 blogtun92 Un bout de goudron nous permet de rejoindre la palmeraie. Pierre-Jean veut absolument laver les bécanes, son collecteur d’échappement a pris une teinte carrément craignos.

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Nous rejoignons Redeyef, une ville très différente de celle que nous croisons depuis le début. Les gens sont simples et d’un accueil particulièrement chaleureux. On profite d’une station essence pour faire le plein et la grande lessive. A regarder de près, elles en avaient vraiment besoin.

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Nous mangeons un morceau avant de reprendre la piste et c’est à travers la décharge que nous partons à l’assaut de la piste Rommel. Elle est descendue en un rien de temps malgré un presque tout droit de Pierre-Jean.

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Dire que deux ans auparavant avec la même moto âgée de cinq mois seulement, j’avais trouvé cela difficile: ou je progresse, ou je m’y suis habitué.

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Nous repartons vers l’est et on s’accorde une petite pause dans la ville minière de Metlaoui. Alors que nous sirotons notre kawa, un gars vient nous saluer pour repartir immédiatement. Nous le voyons débouler 10 mn plus tard au guidon d’un XT 600. Le serveur nous dit qu’il est allé la chercher exprès pour nous ! Nous les saluons, lui et son brélon comme il se doit.
Ici, les exploitations minières de phosphate s’étendent à perte de vue. Et nous roulons au milieu d’engins de chantiers gigantesques et tapis roulants interminables.

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A Sidi boubaker, nous nous faisons refuser l’accès à une piste trop proche de l’Algérie au goût des militaires. 20 bornes de détour pour rien, je suis dégouté.
Nous traversons Kasserine et profitons de cette belle fin de journée pour visiter les ruines romaines de Sbeïlta.

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Il se fait tard, ma moto affiche le message “lampf“ ce qui signifie que mon ampoule de code a cramé. Zut ! Pas le temps de changer, il faut trouver un coin pour la nuit. Nous quittons la ville à la recherche d’un spot. Une petite route sur la gauche va vers la montagne : parfait. Nous trouvons de l’eau et une dizaine de kilomètres plus loin, un replat invisible de la route au bout d’une trace. Le coin de rêve !

dsc04712 J’installe la douche quand trois anciens sur leurs ânes arrivent intrigués. Je leur explique que nous dormons là. Ils nous répondent un truc pas vraiment clair sur des serpents ou des bandits, à moins qu’ils ne parlent de chasseurs. Bref, on leur dit que tout est ok et ils repartent. Vingt minutes que nous sommes là et ils nous surveillent toujours du haut de la colline. Je file les voir avec un sac de mandarine, ils sont cinq maintenant. L’un d’eux est pendu à son portable, ça ne sent pas très bon.
Nous attaquons le repas sans installer les tentes, je pense que nous avons une chance sur deux que les flics déboulent.
Pierre-Jean est super tendu et sursaute à chaque fois que l’on voie des phares de bagnole au loin.
Nous sommes assis sur les valises en train de finir de manger quand trois gros 4×4 déboulent en trombe avec phare de poursuite et tout le toutim… Pierre-Jean se relève d’un coup terrorisé, je reste assis peinard. C’est pas la première fois que je me fais déloger. Voici, quatre hommes armés arborant un gilet pare-balle de la garde nationale, les deux autres véhicules sont de l’armée, il nous encerclent, armes à la main. Le jeune chef de la garde nationale s’approche vers moi (Pierre-Jean est en train de me designer du doigt genre “c’est pas moi, c’est lui…”)
-vous faites quoi ?
-ben, j’mange ma clémentine !
Il regarde les vieux qui nous on rejoint
– vous voulez dormir ici ?
– Ouais c’est cool, il y a les étoiles, la montagne… les vacances, quoi.
– C’est pas possible, il faut repartir sur la route nationale.
– Ben non, c’est pas notre route ! On va au nord après.
– C’est dangereux ici, il y a plein de terroristes. Allez debout, il faut partir.
– Ouais ouais, mais je finis d’abord ma clémentine, et pis je dois faire la vaisselle aussi…
Pierre-Jean est liquéfié.
– Arrête tes conneries, on y va.
Je me lève en douceur, attaque ma vaisselle, remets mes bottes… ça a l’air d’excéder le plus âgé des militaires qui me pousse avec le canon de son fusil en criant “allez, allez”
Dans ces cas là, je deviens un vrai trou du cul et fais exprès de lambiner.
Le jeune chef revient et me supplie d’activer la cadence soi disant que le site est dangereux, qu’il y a trois cent terroristes prêts à nous tomber dessus et qu’ils en ont déjà dégommé trois ce matin… je me retiens in extremis de lui répondre que chez nous il y a des marmottes qui mettent le chocolat dans le papier alu ! (les publiphiles comprendront)
J’ai bien compris que les anciens avaient eu peur de nous et qu’ils ne souhaitaient pas qu’on dorme ici.
Bon, un poil agacés ils nous somment de les suivre jusqu’à la route nationale, garde nationale en tête.
J’accepte (ai-je le choix ?) et enquille juste derrière en plein phare vu que je n’ai plus que çà. Nous arrivons en trombe sur la grande route, je les déborde immédiatement et stoppe à leur niveau.
– Merci, c’était cool. On va se débrouiller maintenant. On va dormir à Kairouan.
Il acquiesce et s’excuse de nous avoir dérangés. Il m’explique qu’avec les élections présidentielles imminentes, le moindre pépin avec des européens peut faire basculer le vote. Ils ont agi dans ce sens.
Nous repartons avec une escorte discrète dans les rétros. Ils veulent s’assurer que nous ne repartons pas ailleurs
Un long moment plus tard, ils doublent à grand coup de gyrophare et filent dans la nuit.
J’en profite pour changer ma lampe, la circulation est dense et visiblement, je fais chier tout le monde.
Je propose mon plan B à Pierre-Jean, le long d’une retenue d’eau. Il ne s’est pas encore remis de l’expulsion et préfèrerais une piaule.
Pas de soucis, je tapote le gps et sa merveilleuse carte OSM.
Hôtel Splendid, ça à l’air bien !
Vingt minutes plus tard, nous sommes dans la chambre. Pierre-Jean est rassuré, il a cru aux salades sur les trois cents terroristes. Il commence à se demander s’il ne s’est pas fait un peut bananer par les vieux…
Allez, douche (froide) et au pieu !

Jeudi,

6h30, Dernier jour sur le sol Tunisien. Il nous reste moins de 300 bornes pour rejoindre Tunis et une bonne partie de la journée, on est large ! Il va falloir terminer en beauté.

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Après le petit dèj (c’est pas mal dans un hôtel aussi !) j’échafaude un programme. En discutant avec Pierre Jean, je me rends compte qu’il connait peu les pays du Maghreb. ça fait une semaine que nous arpentons la Tunisie et nous n’avons jamais vu la couleur et les charmes d’une médina. Oups, je suis un peu égoïste sur ce coup là ! J’y ai tellement trainé que je n’en vois plus l’intérêt. Pire, j’ai tendance à fuir ces endroits. Sûrement mon côté « ours des montagnes ».
OK, nous logeons à deux pas de celle de Kairouan qui jouit d’une bonne réputation. C’est l’occasion de déambuler dans les ruelles sans être chargés comme des mulets, tout est resté dans la piaule.
J’évite consciencieusement les rues à touristes, celles des tapis.. et la visite se passe au mieux. Mon coéquipier hallucine à chaque coin de rue et je prends un réel plaisir à le voir ainsi. Finalement, cette visite était une bonne idée.

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Bon, ce n’est pas le tout mais nous sommes ici pour rouler et j’ai encore quelques pistes dans mon chapeau.
Nous sortons de la ville par l’ouest. J’ai repéré une petite chaine montagneuse au nord de notre position, normalement on devrait y trouver notre bonheur.
Un peu de goudron pour chauffer les machines et voici l’entrée de la piste. Flûte: c’est pas la bonne, j’ai dû me gourer à la fourche. On reprend l’autre fourche, ça à l’air bon. Non, toujours pas, nous finissons dans une cour de ferme. J’essaye une autre option, toujours pas.
Rien à faire ! La piste dessinée sur ma carte n’existe plus, il faut retourner au goudron. Je suis un peu vert mais plus loin sur la route, nous apercevons la piste au loin : un petit chemin muletier ou je n’emmènerais même pas un âne !
Vu que nous sommes deux beaux spécimens sur des Teutonnes caractérielles, on n’aurait pas fait long feu.
Nous continuons la vallée par la route (c’est plaisant aussi) pour finir sur la terrasse d’un café. 400 millimes le kawa (20cents), c’est le moins cher de la Tunisie ! (ou peut -être le bar ou l’on s’est fait le moins arnaquer)
En repartant, je devine un raccourci à travers champs : Gazzzz !
C’est vraiment trop bon, je ne m’en lasserai jamais. Au bled suivant, nous continuons sur notre lancée pour finir sur une piste à travers les forêts de pins. Les paysages sont super sympas.

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Nous rejoignons une petite route qui longe une petite vallée : 20 minutes de bonheur !

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Il est temps de manger, nous stoppons dans la ville d’ El Fahs pour une échoppe qui sert une espèce de crêpes fourrées avec de la viande, des œufs, de la salade et encore plein de trucs sous une épaisse couche d’harissa: trop bon!
Nous ne sommes qu’à trente bornes de Tunis. Pas envie de finir par l’autoroute en construction. Pierre-Jean mène la danse et il a bien compris ma technique de navigation car à la première piste qui part à peu près dans la bonne direction, il trace !
Bien.. c’est comme ça que j’envisage les choses. Sauf qu’il remonte une trace avec d’immenses ornières remplies de fesh fesh et que cela ressemble bigrement à une sortie de carrière. C ‘est pas grave. Malgré les semi-remorques que nous croisons difficilement, Pierre-Jean est passé en mode “unstoppable“. Nous croisons un premier 4×4 dont les occupants m’insultent généreusement. Le deuxième se met en travers pour me bloquer, je l’esquive par un bond dans le talus et, pour une fois, je ne me ramasse pas.
Mon Pierre-Jean file toujours droit devant.
Il m’attend beaucoup plus loin à un croisement. Il n’a pas fait attention aux voitures et s’est laissé griser par la piste. Il faut se sortir de là et pas par le même chemin, cela risque de tourner au vinaigre.
C’est reparti pour un jardinage en règle. Nous essayons de rejoindre les champs fraichement labourés qu’on aperçoit au loin.
Après pleins de tentatives ratées, on comprend que l’immense carrière est bordée de talus pour en barrer l’accès. No problèm ! Deux coups de gaz et ils sont franchis. A nous la grosse bourre dans les champs.
On retrouve une belle route au bout d’une heure, il est temps de décrasser un peu les catalyseurs.
A zut ! C’est vrai, j’en ai plus. Peu importe, par pure solidarité avec mon pote, je soude sur cette route qui file vers Tunis. 170, je n’arrive pas à faire mieux…
Je lâche l’affaire pour que Pierre-Jean et sa limace me rejoignent. Nous roulons tranquille(110) sur cette magnifique route toute neuve. Au loin des voitures et un camion sur les côtés… on est cool.
J’aperçois un panneau bizarre : un stop, ici ! Qu’est ce qu’il fout là ? La route que nous allons croiser n’était pas visible et je monte sur les freins au dernier moment, stoppant en quelques mètres au raz du carrefour. Pierre-Jean qui a réagi plus tard et n’a pas d’ABS finit sa course au beau milieu de cette grande route. Coup de bol, les autres véhicules sont loin !
On repart tout penauds, en mode j’me la traine, pas bien fiers les gaziers sur ce coup là !
Voilà Tunis. Ses embouteillages, ses ruelles de m…
Nous arrivons grâce au gps en haut de la médina pour une dernière visite et se remettre à neuf pour le voyage.

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Nous rejoignons le ferry en fin de journée. La soirée se passera sur le pont supérieur à discuter enjeux politiques de ce vote présidentiel prévu dans quelques jours avec des gars du bled.

Vendredi, la traversée se déroule sans problème. Nous passons ces 24 heures à dormir sans cesse, je pense que nous avons bien tiré sur la machine !
J’en profite pour prendre et donner des nouvelles. Nous n’avons jamais trouvé de connexion web en route. Seule, la balise spot permettait à la femme de nous suivre.
On se remémore les meilleurs instants et on finit par conclure que nos bécanes sont parfaites (quoique le 1200…) et vu ce qu’on leur a mis dans la gueule, carrément solides !

Arrivés à Gênes vers 23h. Nous prenons l’autoroute, direction la maison. Je suis calé sur un petit 110, Pierre-Jean n’en revient pas !
2h00 du mat’, on se quitte dans une grande accolade. C’était trop bien !!!

Un commentaire pour Tunisie, petit jardinage entre amis

  1. tiger dit :

    Super CR Patrick, j’aime beaucoup le rythme de ton récit et de très belles photos; La suite de vos aventures c’est donc pour très bientôt. 🙂
    Encore bravo et merci pour ton partage.
    Thierry

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